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  • Photo du rédacteurEmmanuelle Cordoliani

ÉCRIRE LE PRINTEMPS IX


se préparer à la campagne 40 fois la ville…


LUNDI

Dans le jardin des Brown — depuis combien de temps n’étais-je pas restée ainsi, assise, dans un jardin ? —, dans le jardin des Brown, je ne pense à rien c’est-à-dire que je pense à tout, mais si légèrement ! Plus tard, de retour à la table de travail avec Romain Dumas, je compte trois méthodes d’écriture : je me mets devant le papier, ou l’écran et ça écrit. Je me mets devant le papier ou l’écran et j’écris. J’étais assise dans un jardin, je faisais une course à vélo et je viens poser sur le papier quelque chose déjà élaborée, comme on range les courses dans le placard.

La différence entre le ça écrit et le j’écris, c’est le côté plus laborieux de l’action menée par le jeu. Il y aura des lignes pour rien, pour le poignet, je pourrais à l’occasion recopier un poème, commencer un exercice d’atelier avec une forme bien contraignante : j’ai plein de ficelles à mon arc-jouet.

Si je fais ce rapide inventaire, c’est que nous nous remettons en jambe, Romain et moi, dans notre projet au long cours L’Arbre qui devint. Si parler d’amour c’est faire l’amour, parler d’écrire, c’est déjà écrire. D’ailleurs, dans le train du retour, j’augmenterai notre petit manuscrit d’une flopée d’alexandrins pour quitter l’âge féodal et monter à la cour du Roi Soleil…

SI je fais ce rapide inventaire c’est aussi pour (me) préparer aux 40 fois la ville qui commenceront le 8 juin. Tenir ce rythme, c’est fermer ce journal pour quatre semaines, mais l’autre, le Journal d’un mot continuera à courir, et les échéances d’écriture (L’ABC de Bach, nommément) m’attendront à la porte du garage le 10 juillet. Donc, mieux vaut faire le tour de la boîte à outils et bien préparer son sac de randonnée quinze jours avant le départ.


MARDI

Dans le cadre assoupli du cours du mardi (la fin de l’année, voire du cursus pour certain.es ouvre grand les fenêtres et fait voler les rideaux en éclats de rire ou de lumière), nous lisons des textes sur l’amour. Et pour une fois, au milieu du corpus, ou plutôt en queue, pour aller jusqu’à l’heure, pour mettre au bout, j’ai ajouté, en direct certains de mes textes. J’ai commencé par des contes. Personne ne s’est inquiété de savoir d’où ils sortaient, mais aussi des poèmes et là, les élèves ont voulu connaître l’auteur. J’ai été franche : ce petit groupe test pour écouter mes écrits, voir quand et comment ils étaient problématiques dans une première lecture, voir aussi ce qui soulevait un intérêt, une attention particulière était d’un grand profit pour moi et pour mes textes à venir.


MERCREDI

Toujours en vue de la déferlante des 40 fois la ville, j’ai essayé de me munir d’une représentation des chantiers en cours. Dans les propositions de f, il y a fort à parier que nombre pourront être redirigées vers Sauveterre, puisque j’y avais passé l’été 2018 à écrire la ville. Mais il y a toujours des orphelines, des balles perdues qui pourront faire leur trou dans un autre terrain de jeu. L’objet à la forme d’un schéma euristique c’est à dire d’une carte. Dans mon cahier, il y a encore le plan de Jonzac, l’officiel jouxtant celui que j’en ai dressé, phrase après phrase et qui m’a permis de faire cette expérience si décalée la semaine dernière en retournant sur les lieux. De mon plan de travail, je dirais deux choses : l’établir m’a considérablement apaisée et j’ai perdu un titre. Il m’arrive encore fréquemment de me sentir perdu en terre inconnue dans les chantiers pharaonesques de ma propre écriture, où tout va par trois, comme dans le Secret de la Licorne, et par conséquent, demeure illisible tant que les trois parties n’ont pas été réunies, c’est-à-dire écrites. Mais j’aime aussi ces terres inconnues qui sont l’aboutissement de la Carte du Tendre, (comme Floriane Hasler nous le rappelait hier pendant le cours de dramaturgie en tentant de répondre à la question annuelle : L’amour, qu’est-ce que j’y connais ?). Une carte, là encore. Où la fin est seulement le début d’une exploration. Et c’est assez l’effet que produit sur moi mon petit dessin. Tout y est relié. Cela fait carte, reste l’exploration. Pour ce qui est du titre perdu, j’ai mis la maison à sac, persuadée de l’avoir écrit quelque part : à quoi bon cette somme de journaux, manuscrits, saisis, sinon ? Pour l’instant, c’est chou blanc. Mais je suis certaine que « perdu » est un des mots du titre, justement… l’Aventurier du Chausson perdu ? Mouais, ce titre à la pauvre tête des mots sur e bout de la langue à leur retour. Forcément en deçà du voyage qu’ils nous ont fait faire. Et ainsi souvent de mon écriture. De toute écriture pour qui tient le stylo, j’imagine.


JEUDI

« On a une souris ». Marcel a commencé comme ça et immédiatement j’ai su qu’il fallait tout noter. En quelques jours, cela fait une petite série, collection particulière du vaste domaine dit des papillotes, soit : histoires de mon grand-père. Cette souris est passée entre les jambes de deux vidéos autour du podcast et des chaînes YouTube : celle de f (#tuto | créer sa chaîne podcast) et celle de Solange (50 conseils pour ta chaîne YouTube). Solange, je comprends qu’elle puisse agacer — mais pas moi — en tous cas, elle ramène les choses à une grande simplicité — pour moi —. Quant à f ,c’est le défricheur de la grande forêt du web. Les deux combiné. es à la souris qu’on a, ça m’a donné envie de refaire une petite série, inspirée de la vidéo, La petite Contrebandière, que j’avais faite pour Martine Tollet, qui me manque, et ce n’est peut-être pas une mauvaise façon de lui faire savoir, et de me le faire savoir aussi. Je pourrais aussi podcaster ce journal, ou la dose de poésie de la semaine, mais on verra quand les journées feront enfin 75 h et que 40 fois la ville sera passé.


VENDREDI

Comment tient-on un journal quand on n’a pas le temps d’écrire un journal ?

Il faut dire que jusqu’à ce matin, ce journal ressemblait à ça :

LUNDI Le jardin des notes et les trois méthodes d’écriture. Comment faire les 40 propositions du Tiers Livre MARDI Faire lire mes propres textes MERCREDI La liste des projets. JEUDI On a une souris. Les podcasts f et Solange. VENDREDI Le plan du journal : comment tient-on un journal quand on n’a pas le temps d’écrire un journal. La dose de poésie. Les entretiens du Deuxième Texte

Il n’en va pas toujours de même. Il y a des jours de grâce où j’écris collée à la journée écoulée. Mais il y a d’autres façons de faire. Une chose que je voudrais partager ici. J’aimerais bien mettre sur pied un nouveau cycle de l’Inventarium consacré au Journal. Je tâtonne et je manque du temps pour ça. Cela n’empêche pas de prendre ici quelques notes qui verront bien. L’important, c’est la précision, la clarté de la note, ce qui la rendra facile à ouvrir le moment venu et non pas, comme j’en ai eu longtemps le goût, son caractère codé, indéchiffrable (pour moi-même également à la longue…). La note est pour moi l’équivalent écrit du point de concentration pour le jeu.

Pour la Dose de poésie, depuis 687 jours, j’ouvre des fenêtres. Pendant le confinement, seulement un espace pour écrire ouvert à tout.es. Depuis 577 jours, quelques mots issus du poème du jour. Souvent, je le fais avec une ou deux semaines de décalage. L’occasion de lire trois fois les poèmes : lors du choix, de la publication et de ce prélèvement infime. Camille m’avait dit que ça ferait un livre… et puisque je ne pourrais jamais publier l’anthologie de la dose (trop de vivant.es !), ce serait une manière de contourner cette déception et de fabriquer quelque chose de mes mains.


SAMEDI

Je relis l'entretien du Deuxième Texte pour la voix et le par cœur. Ça va. La distance diminue entre ce que je dis et ce que je retrouve écrit. Je dois dire plus clairement… ou ne plus donner d’entretien qu’à des personnes dignes de confiance. C’est une drôle chose, les entretiens, qui donne l’occasion de se voir écrite sur parole. Deux des élèves qui ont participé à Non loin de là ont décidé de retranscrire ce qu’ils ont dit, en croisant les entretiens, chacun saisissant ainsi la parole de l’autre… qui aurait pu rêver plus beau tissage.

Préparation 40 fois la ville, dernier volet de la semaine : refaire un peu d’exercice de dactylo. Je ne sais pas ce qui est le plus bête : de penser que la vitesse de saisie n’a rien à voir avec l’écriture ou l’inverse. Pour ma part, ces exercices déplacent la concentration dans mes mains, qui s’attachent ainsi plus aisément à pister ma parole (la muette, celle qui dicte en écrivant).

J’arrête ici cette semaine pour aller bricoler mon site : il malmène les malheureuses personnes qui ont l’idée de s’y abonner, semble-t-il…

Écrire l'été
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