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Photo du rédacteurEmmanuelle Cordoliani

ÉCRIRE L’ÉTÉ IX



Pas si simple de renoncer au journal d’écriture et si besoin, les notes précieuses d’Annie Ernaux dans le sien en soulignent encore l’intérêt. Dans le journal d’écriture, il y a du cours, du moyen et du long terme — et même du posthume —, j’y viendrai et j’y reviendrai, comme au papier pour quelques semaines, contre-pouvoir du clavier des #40JOURS, comme à mon stylo bille bulgare, maintenant que j’ai vidé toutes mes cartouches, comme au Roi du café, cette péninsule sous l’arbre, j’écris souvent ici en juin sous mon chapeau de soleil et toujours je souhaite en faire un rendez-vous régulier et puis l’été passe et je suis déjà battue à la rentrée…


Pour ce qui est du posthume quelque chose m’est apparu hier à l’évocation des toponymes de Tarkos : comment, quoi écrire quand on sait qu’on ne passera plus l’hiver ? Vu d’ici, il y a une forme de soulagement : tout le temps que je passe à grouper mes textes, à leur trouver un fil narratif qui les tiendrait tous ensemble, à m’autoriser à écrire sur tant de chantiers différents… dans la perspective de ma mort prochaine, plus besoin. Le fil narratif c’est ma vie même, le défilement de mon temps. Je suis le point commun à ces mondes. Tout cela fait un gros livre et la personne qui le lirait entendrait les échos incessants qui m’échappent.


Ces quelques lignes repensent aussi le journal d’écriture dans sa forme actuelle (lundi des patates, mardi des patates…) Les paragraphes doivent suffire. Et pour l’instant tout est quasiment d’égale durée — je parle du temps de lecture annoncé par Ulysses (le logiciel, pas le héros mythique) — à peu près toujours le même nombre de signes d’une semaine à l’autre. Tout à coup, dans un sens comme dans l’autre (plus court ou plus long) j’ai envie de liberté plus grande. Le temps est venu — enfin — d’une plus grande confiance.


Dans les écrits d’autres (Fil Berger dans #02 HLM rue Piat, par exemple), ce que j’aime c’est ce à quoi je pense sans qu’on me le flèche, ce que j’aime c’est penser sans fléchage ce qui s’associe à cette famille dans cet immeuble à cet étage et au mot « cuillère ». L’évocation allusive, laisser agir les images, j’ai l’impression de ne pas savoir le faire. Contre exemple : la première sortie du grand D'ombre, sortie d’école en solitaire du petit gnou, sa terreur profonde jamais explicitée. C’est là, vraiment l’endroit du travail, l’accueil du décousu, de la surface tremblante du lac.


En parlant avec Bruno Lecat, quatre entrées :

— Avec les cours de dactylo, l’écriture clavier a cessé d’être impersonnelle. Ce qu’elle produit est différent de ce qui se passe au papier, mais ce n’est plus… mécanique ? Froid ? Une solution.

— L’importance des voyages d’études, des temps de terrain. Il faut encore et encore en organiser. Même au coin de la rue.

— L’appel vertigineux de l’exégèse. Comment (ne pas) passer sa vie à commenter les textes des autres ? Comment équilibrer les deux pratiques (vitales dit à raison Bruno) ? Comment les faire converser ?

— Grand désir de mener une série d’entretiens avec les figures du Tiers-Livre. Brigitte, Bruno, Helena, Xavier, Nathalie, Ugo, Will, Piero, Simone et les autres…


Quelque chose a du mal à se dire qui est très simple. Je confonds à souhait les endroits de travail de ce que j’écris avec ce qui est manquant. Je peux affuter certaines techniques, revendiquer certains styles, mais je ne peux pas écrire comme je lis. Je lis de tout, en tous cas de beaucoup. Les genres se bousculent qui me plaisent, me touchent, me parlent. Je suis à leur carrefour. Ce que j’écris ne peut être qu’à ce carrefour. Je ne peux pas l’emmener dans une voie plus claire sans perdre mon chemin. La formulation claire n’est pas encore pour aujourd’hui, on dirait… Mais la sensation en est déjà présente. Et c’est la régularité et l’exigence de l’atelier en cours et des quatre dernières années qui me permet déjà de l’éprouver sinon encore de la dire.


En dépit du flux ininterrompu — voire redoublé — des propositions de f pour #40JOURS, le journal manuscrit revient en force. Quand f passe à deux propositions par jour, ça m’encolère. Ça m’encolère d’abord, comme ce qui est du côté de la compétition, ce qui me met là, voudrait m’y mettre. Un tour de roue supplémentaire pour le hamster et puis finalement tout le monde descend ! Je me dis qu’il vit sa vie de f et c’est bien ainsi ! Que j’en profite pour vivre ma vie d’Emma Corde !

En quoi cela peut-il bien consister ? À créer un poste d'envoyée spéciale dans le quartier. Et une mission matinale au CNSMDP pour tâcher de faire équipe le personnel d'entretien en partageant l'espace et l'horaire, oui, d'être aussi à la tâche des Cahiers de la Bonne cause dans leur parages et de voir. Une manière de prolonger la piste ouverte par Patrick Pleutin pendant la dernière journée d'étude…



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Écrire l'été
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